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étersbourg il y a quatre ans et demi. C’est pour cela que vous m’avez donné un soufflet, n’est-ce pas ?

Chatoff stupéfait écoutait en silence.

— Je l’avais deviné, mais je ne voulais pas le croire, balbutia- t-il enfin en regardant Stavroguine d’un air étrange.

— Et pourtant vous m’avez frappé ?

Chatoff rougit et bégaya quelques mots presque incohérents :

— C’était pour votre chute… pour votre mensonge. En m’avançant vers vous, je n’avais pas l’intention de vous punir ; au moment où je me suis approché, je ne savais pas que je frapperais… J’ai fait cela parce que vous avez compté pour beaucoup dans ma vie… Je…

— Je comprends, je comprends, épargnez les paroles. Je regrette que vous soyez si agité ; l’affaire qui m’amène est des plus urgentes.

— Je vous ai attendu trop longtemps, reprit Chatoff qui tremblait de tout son corps, et il se leva à demi ; — dites votre affaire, je parlerai aussi… après…

Il se rassit.

— Cette affaire est d’un autre genre, commença Nicolas Vsévolodovitch en considérant son interlocuteur avec curiosité ; — certaines circonstances m’ont forcé à choisir ce jour et cette heure pour me rendre chez vous ; je viens vous avertir que peut- être on vous tuera.

Chatoff le regarda d’un air intrigué.

— Je sais qu’un danger peut me menacer, dit-il posément, — mais vous, vous, comment pouvez-vous savoir cela ?

— Parce que, comme vous, je leur appartiens, comme vous, je fais partie de leur société.

— Vous… vous êtes membre de la société ?

— Je vois à vos yeux que vous attendiez tout de moi, excepté cela, fit avec un léger sourire Nicolas Vsévolodovitch, — mais permettez, ainsi vous saviez déjà qu’on doit attenter à vos jours ?