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presque de force dans l’embrasure d’une fenêtre, où il commença à lui parler tout bas. Il s’agissait sans doute d’une communication très importante, à en juger par les gestes de Pierre Stépanovitch et par l’expression de son visage. Cependant Nicolas Vsévolodovitch, son sourire officiel sur les lèvres, ne prêtait aux propos de son interlocuteur qu’une oreille fort distraite, à la fin même l’impatience de s’en aller devint visible chez lui. Il s’éloigna de la croisée juste au moment où les dames rentrèrent. Barbara Pétrovna força Lisa à reprendre son ancienne place, lui assurant qu’elle devait rester encore, ne fût- ce qu’une dizaine de minutes, pour donner à ses nerfs malades le temps de se calmer un peu avant d’affronter le grand air. Elle témoignait le plus vif intérêt à la jeune fille et s’assit elle- même à ses côtés. Pierre Stépanovitch accourut aussitôt auprès des deux dames, avec qui il se mit à causer d’une façon fort gaie et fort animée. Sans se presser, selon son habitude, Nicolas Vsévolodovitch s’avança alors vers Daria Pavlovna ; en le voyant s’approcher d’elle, Dacha fut fort émue, elle fit un brusque mouvement sur sa chaise, tandis que ses joues se couvraient de rougeur.

— Il paraît qu’on peut vous féliciter… ou bien est-il encore trop tôt ? dit le jeune homme dont la physionomie avait pris une expression particulière.

La réponse de Dacha n’arriva pas jusqu’à moi.

— Pardonnez-moi mon indiscrétion, reprit en élevant la voix Nicolas Vsévolodovitch, — mais j’avais reçu un avis spécial. Savez-vous cela ?

— Oui, je sais que vous avez été spécialement avisé.

— J’espère pourtant n’avoir rien gâté par mes félicitations, dit- il en riant, — et si Stépan Trophimovitch…

À ces mots, accourut Pierre Stépanovitch.

— À propos de quoi des félicitations ? demanda-t-il, — de quoi faut-il vous féliciter, Daria Pavlovna ? Bah ! mais n’est-ce pas de cela même ? L’incarnat qui colore votre visage prouve que je ne me suis pas trompé. Au fait, de quoi donc féliciter nos belles et vertueuses demoiselles, et quelles sont les féli