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ie Ivanovna.

Elle tourna à peine la tête de son côté, bien qu’une demi-heure auparavant la première apparition du jeune homme l’eût fort intriguée. Mais en ce moment la générale Drozdoff avait de nouveau soucis : lorsque le capitaine avait rencontré sur le seuil Nicolas Vsévolodovitch, Élisabeth Nikolaïevna, jusqu’alors fort sombre, s’était brusquement mise à rire, et cette hilarité, loin de cesser avec l’incident qui y avait donné lieu, devenait d’instant en instant plus bruyante. La jeune fille était toute rouge. Pendant l’entretien de Nicolas Vsévolodovitch avec Barbara Pétrovna, elle appela deux fois Maurice Nikolaïévitch auprès d’elle comme pour lui parler à voix basse ; mais sitôt que celui-ci se penchait vers elle, Lisa partait d’un éclat de rire ; on aurait pu en conclure qu’elle se moquait du pauvre Maurice Nikolaïévitch. Du reste, elle s’efforçait visiblement de reprendre son sérieux et appliquait un mouchoir contre ses lèvres. Nicolas Vsévolodovitch lui présenta ses civilités de l’air le plus innocent et le plus ingénu.

— Excusez-moi, je vous prie, répondit-elle précipitamment, vous… vous avez vu sans doute Maurice Nikolaïévitch… Mon Dieu, il n’est pas permis d’être grand comme vous l’êtes, Maurice Nikolaïévitch !

Nouveau rire. Le capitaine d’artillerie était grand, mais pas au point d’en être ridicule.

— Vous… vous êtes arrivé depuis longtemps ? murmura-t-elle en essayant de se contenir ; elle était même confuse, mais ses yeux étincelaient.

— Depuis plus de deux heures, répondit Nicolas qui l’observait attentivement.

Il était très convenable et très poli, mais avec cela il avait l’air fort indifférent, ennuyé même.

— Et où habiterez-vous ?

— Ici.

Barbara Pétrovna considérait aussi Lisa avec attention, mais une idée la frappa tout à coup.

— Où donc as-tu été pendant tout ce t