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le tapis. Enfin l’on peut voir là de l’originalité, si l’on veut, mais on n’y peut voir que cela, et pourtant on a bâti là-dessus une histoire… Je ne suis pas sans connaître un peu, Barbara Pétrovna, ce qui se passe ici.

Le narrateur s’interrompit brusquement et se tourna vers Lébiadkine, mais, au moment où il allait interpeller le capitaine, Barbara Pétrovna l’arrêta ; ce qu’elle venait d’entendre l’avait fort exaltée.

— Vous avez fini ? demanda-t-elle.

— Pas encore ; pour compléter mon récit, il me faudrait, si vous le permettiez, adresser quelques questions à ce monsieur… Vous verrez tout de suite de quoi il s’agit, Barbara Pétrovna.

— Assez, plus tard, reposez-vous une minute, je vous prie. Oh ! que j’ai bien fait de vous laisser parler !

— Eh bien ! Barbara Pétrovna, reprit Pierre Stépanovitch, — est- ce que Nicolas Vsévolodovitch pourrait lui-même vous expliquer tout cela tantôt, en réponse à votre question, — peut-être trop catégorique ?

— Oh ! oui, elle l’était trop !

— Et n’avais-je pas raison de vous dire que, dans certains cas, un tiers peut fournir des explications beaucoup plus facilement que l’intéressé lui-même ?

— Oui, oui… Mais vous vous êtes trompé sur un point, et je vois avec peine que vous persistez dans votre erreur.

— Vraiment ! En quoi me suis-je trompé ?

— Voyez-vous… Mais si vous vous asseyiez, Pierre Stépanovitch…

—Oh ! comme il vous plaira, le fait est que je suis fatigué, je vous remercie.

Il prit aussitôt un fauteuil et le plaça de façon à se trouver entre Barbara Pétrovna d’un côté et Prascovie Ivanovna de l’autre. Dans cette position il faisait face à M. Lébiadkine, qu’il ne quittait pas des yeux une minute.

— Vous vous trompez en appelant cela « originalité »…

— Oh ! si ce n’est que cela…