Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sanglota-t-elle en se tordant les mains. C’est à cause de moi qu’il a tué. C’est moi qui l’ai poussé à bout !… J’ai torturé aussi le vieillard, celui qui n’est plus ! C’est moi qui suis coupable de tout !…

— Oui, c’est toi, toi ! cria l’ispravnik, toi, fille débauchée !

Il la menaça du geste, mais on le maîtrisa aussitôt ; le procureur le saisit même par les mains.

— C’est du désordre ! Mikhaël Makaroritch ! dit-il. Vous gênez l’instruction… Vous gâtez l’affaire…

— Il faut prendre des mesures… Il faut prendre des mesures ! dit à son tour le juge d’instruction. Cela ne se peut tolérer.

— Jugez-nous ensemble ! continuait Grouschegnka toujours à genoux. Condamnez-nous ensemble ! Je le suivrai jusqu’à l’échafaud !…

— Grouscha ! ma vie, mon sang, ma sainte ! dit Mitia s’agenouillant devant elle et la serrant dans ses bras. Ne la croyez pas ! Elle est innocente, absolument innocente !

On l’arracha vivement d’auprès elle, on l’emmena ; il se laissa faire sans s’apercevoir de rien et ne revint à lui qu’assis à table, entouré de gens à plaques de cuivre. En face, sur le divan, siégeait le juge d’instruction, Nicolay Parfenovitch, qui l’invitait constamment, avec beaucoup de courtoisie, à boire un peu d’eau. Mais Mitia s’intéressait surtout aux bagues énormes qui ornaient les mains du juge. Un peu plus loin était un jeune homme en train d’écrire.

— Prenez donc de l’eau, dit doucement, pour la dixième fois, le juge d’instruction.