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embrassait et leur faisait servir à boire et à manger. Cette kermesse lui allait ; il y était comme dans son élément. Grouschegnka, de la porte, le regardait ; tout à coup, elle vint à lui, le saisit par la main !

— Comment es-tu entré tout à l’heure ? J’avais si peur ! Tu voulais me laisser à lui, hein ? tu le voulais vraiment ?

— Je ne voulais pas troubler ton bonheur…

Mais elle n’écoutait déjà plus.

— Va, réjouis-toi, ne pleure pas, je te rappellerai tout à l’heure !…

Il s’en allait, elle écoutait les chansons, regardait les danses et suivait Mitia du regard, puis le rappelait.

— Assieds-toi près de moi. Raconte-moi comment tu as appris que j’étais ici.

Mitia entama son récit, mais parfois il fronçait le sourcil et s’interrompait.

— Qu’as-tu ? lui demandait-elle.

— Rien !… j’ai laissé là-bas un malade. Ah ! s’il pouvait guérir ! ah ! pour savoir seulement qu’il guérira je donnerais dix ans de ma vie.

— Laisse-le en paix, ton malade. Alors, vraiment, tu voulais te tuer demain matin ? Fou ! Et pourquoi ? Mais les fous comme toi me plaisent. Alors, tu ferais tout pour moi, eh ? Va, au lieu de te tuer, tu entendras peut-être de moi… un petit mot… pas aujourd’hui, demain… Tu voudrais aujourd’hui ? Mais je ne veux pas… Va-t’en.

Une fois encore, elle le rappela et lui demanda avec inquiétude :

— Mais qu’as-tu donc ? Tu es triste ? Car tu es triste, je le vois. Tu embrasses les moujiks, tu chantes, mais au