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pane, assis près du mur, plus jeune que son compatriote, regardait toute la compagnie d’un air provoquant et écoutait avec un silence dédaigneux la conversation générale. Il n’étonna Mitia que par sa taille exagérée. « Debout, il doit avoir onze verschoks… » Il songea aussi que ce pane démesuré devait être l’ami ou le « garde du corps » du pane à la pipe. Mais tout cela lui paraissait très-bien, incontestablement très-bien. Ah ! le petit chien n’avait aucune velléité de jalousie… Il n’avait rien compris au ton mystérieux de Grouschegnka ; il savait seulement qu’elle lui avait pardonné, qu’il était auprès d’elle.

Pourtant, il finit par s’inquiéter du silence qui s’était fait et se mit à regarder tous les assistants l’un après l’autre, comme s’il eût voulu dire : « Pourquoi ne dites-vous rien, messieurs ? »

— En voilà un qui s’entend aux racontages, dit Kalganov en désignant Maximov, comme s’il eût compris la pensée de Mitia.

Mitia considéra un instant Kalganov, puis se retourna aussitôt vers Maximov.

— Des racontages ? ah ! ah ! ah !

— Oui, imaginez-vous… il affirme que tous nos cavaliers, en 1821, ont épousé des Polonaises ! Est-ce assez bête ?

— Des Polonaises ! s’écria Mitia délirant de joie.

Kalganov était entré dans l’auberge avec Maximov, par hasard. Grouschegnka les avait présentés aux panes.

— Imaginez-vous… reprit Kalganov, voilà quatre jours que je le traîne avec moi. Vous vous rappelez ? Depuis le jour où votre frère l’a rejeté du haut de la voiture. Je me