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geant qu’il y allait pour lui des travaux forcés à perpétuité, toutes les femmes pleuraient.

« Ce n’est point une défense que j’entends faire devant vous, murmura Alioscha. Sauf quelques exagérations de la part du sous-officier Konstantin Semenovitch, les faits vous ont été exposés dans toute leur vérité. Je ne nie rien. Je vous ai repris la liberté de mon frère, victime d’une erreur judiciaire dont, d’ailleurs, je n’accuse personne ici. Le concours des circonstances qui ont causé la mort de mon père devait égarer la justice. Le passé de mon frère Dmitri, ses relations violentes avec mon père, l’égarement de mon frère Ivan, tout accusait celui que vous avez condamné, et qui pourtant, messieurs, est innocent. Car il est innocent ! Je n’entreprendrai point de vous le démontrer, il est trop tard et vous ne me croiriez pas plus que vous ne m’avez cru alors ; mais ma conviction est absolue, et, ainsi que l’a dit avec bienveillance M. le procureur, c’est elle qui m’a fait agir comme j’agirais encore si ce n’était déjà fait. Je ne nie rien, mais je ne regrette rien. Je m’abandonne à votre jugement. Si vous me condamnez, vous aurez certes agi en votre âme et conscience, ce sera strictement juste et je ne suis resté entre vos mains — car il est très-vrai que j’aurais pu m’évader avec mon frère — que pour vous laisser le moyen de me punir comme vous en avez le droit. Innocent pour innocent, que vous importe lequel ? J’ai revêtu, en prenant sa place, la personnalité de mon frère, je suis pour vous, messieurs, Dmitri Fédorovitch Karamazov. S’il est coupable, pourquoi n’ai-je pas poursuivi ma route vers la Sibérie ? Je pense toutefois que vous ferez bien de me rendre la