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V

Tout se passa, ou à peu près, comme Ivan l’avait prévu.

Le fonctionnaire et le soldat russes ne sont pas incorruptibles. Et puis, le charme particulier qui émanait d’Aliosclia, la confiance irrésistible qu’il inspirait facilitèrent beaucoup sa tâche. Si le récit de cette évasion semble d’une surnaturelle simplicité, c’est que le lecteur se représente mal le personnage de notre jeune moine, avec sa douceur merveilleusement captivante et sa toute-puissante volonté ; et puis, il ne faut pas oublier que les êtres si manifestement inférieurs auxquels l’événement l’opposait devaient invinciblement subir son ascendant.

— Quelque rôle trop apparent que joue ici la vodka, c’est pourtant la Volonté en vérité qui triomphe.

Alioscha et Grouschegnka rejoignirent le convoi à la troisième étape. C’était le soir ; le convoi devait repartir le lendemain à quatre heures du matin, Alioscha et Grouschegnka, déguisés en moujik et en baba, se mêlèrent aux paysans qui s’étaient attroupés à l’endroit où avaient fait halte les quatre troïkas, Dmitri reconnut ses amis et échangea avec eux un rapide regard.

Alioscha, très-simplement, avec le ton bonasse d’un moujik honoré par la visite d’un seigneur, aborda Bondarev et l’invita à venir « se réchauffer avec un ou deux verres de petite vodka ».

— Parbleu ! tout de suite, répondit le sous-officier