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Grigori ni sa femme. Restent donc Karamazov et Smerdiakov.

« M. le procureur s’écrie pathétiquement que l’accusé ne désigne Smerdlakov qu’en désespoir de cause. Pourquoi ne supposerais-je pas le contraire ? Pourquoi, des deux assassins possibles, le procureur préfère-t-il accuser mon client plutôt que Smerdiakov ? Il est vrai que Smerdiakov n’est désigné que par mon client, ses deux frères et madame Svietlova. Mais il y a un autre témoignage, c’est cette vague rumeur, cette atmosphère de mystère qui accompagne toute notre affaire : car elle n’est pas si claire ! Le doute est possible, messieurs. Et qu’est-ce que cette inexplicable crise d’épilepsie qui survient juste au jour de la catastrophe ? Qu’est-ce surtout que ce suicide de Smerdiakov à la veille du jugement ? Qu’est-ce encore que cette déposition soudaine du frère de l’accusé, cette déposition accablante pour Smerdiakov ? Je sais que le déposant est malade, mais convenez que c’est un énigmatique personnage, ce Smerdiakov ! »

L’avocat s’arrêta à étudier le caractère de Smerdiakov et prouva qu’il n’était ni aussi lâche ni aussi sot que le procureur voulait le croire. C’était au contraire un homme méchant, vaniteux, haineux et vindicatif. Il souffrait de son inavouable origine, et certes cette grosse somme en billets neufs avait pu tenter cette âme basse.

« Pourquoi ne se serait-il pas levé au moment où Dmitri se sauvait ? Chacun sait qu’après la crise l’épileptique est pris de sommeil : Smerdiakov a pu être réveillé par le cri de « Parricide ! » de Grigori. On dit que la femme de Grigori a entendu Smerdiakov gémir toute la nuit. Mais vous savez