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confié à Alioscha. Elle omit toutefois de dire que Mitia avait exigé qu’on envoyât Katherina Ivanovna elle-même chez lui pour chercher l’argent. Tous les membres du tribunal écoutaient avec recueillement. Le procureur ne se permit pas une question sur ce thème. Fetioukovitch fit à Katherina un profond salut. Oh ! il triomphait presque : se pouvait-il que l’homme si noble qui avait donné, dans un élan de générosité, ses derniers cinq mille roubles fût le même qui avait tué son père pour lui dérober trois mille roubles ? La sympathie commençait à pencher en faveur de Mitia. Mais lui qui, plusieurs fois, pendant la déposition de Katia, s’était levé et avait couvert son visage de ses mains, s’écria, quand elle eut fini :

— Katia ! pourquoi achèves-tu de me perdre ? Il fondit en larmes, puis il ajouta :

— Maintenant, je suis condamné.

Katherina Ivanovna pâlit, frissonna et s’assit à la place qu’on lui désignait, la tête baissée, tremblant comme dans un accès de fièvre.

Ce fut le tour de Grouschegnka.

Elle était aussi habillée de noir, les épaules entourées d’un superbe châle. Elle s’approcha lentement du tribunal, en regardant fixement le président.

Elle dit n’avoir pas vu le paquet, mais elle en avait entendu parler par le « brigand ».

— Mais tout cela, sottises ! Je ne serais allée chez Fédor Pavlovitch pour rien au monde !

— Qui traitez-vous de « brigand » ? demanda le procureur.

— Eh ! le laquais Smerdiakov qui a tué son bârine et qui s’est pendu hier.