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car que pouvez-vous dire contre moi et qui vous croira ? Si vous ouvrez la bouche pour m’accuser, je dirai tout. Il faut bien que je me défende !

— 3Iais tu crois donc que je te crains ?

— Peut-être les juges ne me croiraient-ils pas, mais j’aurais pour moi l’opinion publique.

— C’est-à-dire : il y a plaisir à parler avec un homme intelligent, n’est-ce pas ?

— Précisément, et vous êtes un homme intelligent. Ivan Fédorovitch se leva, tout frémissant de rage, prit son paletot, et, sans plus répondre à Smerdiakov, sans même le regarder, il se précipita hors de l’izba.

Les pensées se pressaient dans son esprit. « En effet, pourquoi suis-je allé à Tcheremachnia ? Certainement je prévoyais quelque chose ! Il a raison ! Oui, j’ai prévu et j’ai voulu ! j’ai voulu l’assassinat !… L’ai-je voulu ? Il faut que je tue Smerdiakov ! Si je n’ai même pas le courage de tuer Smerdiakov, ce n’est pas la peine de vivre… »

Ivan Fédorovitch alla directement chez Katherina Ivanovna, qui fut épouvantée par ses yeux hagards. Il lui rapporta toute sa conversation avec Smerdiakov, dans tous les détails. Elle avait beau parler, il ne parvenait pas à se calmer. Il allait de long en large à travers la chambre, disant des choses incohérentes.

— Si ce n’est pas Dmitri, dit-il en s’arrêtant, et si c’est Smerdiakov, je suis son complice, c’est moi qui l’ai poussé au crime. L’y ai-je poussé ? Je ne sais pourtant… Oui ! Si c’est lui qui a tué et non pas Dmitri, l’assassin véritable, c’est moi !

À ces mots, Katherina Ivanovna se leva sans parler, prit

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