Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

teur Herzenschtube et le médecin de l’hôpital Varvinsky, aux questions d’Ivan Fédorovitch sur l’état du malade, répondirent catégoriquement que l’épilepsie avait été constatée, et parurent surpris qu’Ivan leur demandât « si elle n’avait pas été feinte, le jour de la catastrophe ». Ils lui dirent même que c’était une crise extraordinaire, qui avait duré plusieurs jours et mis en danger la vie du malade : ce n’était que depuis peu qu’on pouvait, grâce aux mesures prises, répondre de sa vie. En tout cas, sa raison demeurerait troublée, sinon pour toujours, au moins pour longtemps…

En apercevant Ivan, Smerdiakov eut un sourire méfiant et manifesta même un peu de terreur : du moins cela parut ainsi à Ivan Fédorovitch. Mais cela dura peu. Smerdiakov se calma et, durant toute la visite, fut d’un flegme étonnant. Il semblait vraiment très-malade : maigre et jaune à faire peur ; son visage desséché de skopets s’était ratatiné ; les cheveux en broussaille. L’œil gauche, toujours un peu cligné, rappelait seul l’ancien Smerdiakov. « Il y a plaisir à parler avec un homme intelligent… » Pourquoi Ivan Fédorovitch se rappela-t-il tout à coup ce mot d’adieu de Smerdiakov ?

— Peux-tu me parler ? demanda-t-il : je ne te fatiguerai pas trop ?

— Non, répondit Smerdiakov d’une voix faible. Y a-t-il longtemps que vous êtes revenu ?

— Je viens d’arriver.

Smerdiakov soupira.

— Pourquoi soupires-tu ? N’avais-tu pas prévu tout cela ?

— Ce n’était pas difficile à prévoir, dit Smerdiakov après