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Mitia ; elle me prend pour une bonne d’enfants, elle veut que je la berce.

— Katherina Ivanovna l’aime, frère.

— C’est possible, mais moi je ne l’aime pas.

— Elle souffre… Pourquoi alors lui dis-tu… parfois… des paroles qui lui donnent de l’espoir ?

— Je ne puis faire ce qu’il faudrait, couper court et lui parler franchement ! Je veux attendre qu’on ait fait justice de l’assassin. Si je me séparais d’elle maintenant, elle perdrait par vengeance ce misérable dès demain, car elle le hait, et il sait bien lui-même qu’elle le hait. Tout autour de nous n’est que mensonge. Tant qu’elle espère, elle ne perdra pas cette « bête féroce », sachant que je désire son salut. Oh ! quand donc cette maudite sentence sera-t-elle prononcée !

Les mots assassin et bête féroce avaient douloureusement blessé le cœur d’Alioscha.

— Mais comment pourrait-elle perdre notre Mitia ?

— Tu ne le sais pas encore ? Elle a entre les mains un document authentique, écrit par Mitia, qui prouve qu’il a tué Fédor Pavlovitch.

— C’est impossible ! s’écria Alioscha.

— Comment impossible ? Je l’ai lu moi-même.

— Il est impossible qu’un pareil document existe ! répéta Alioscha avec fougue. Il ne peut pas exister, parce que ce n’est pas Mitia qui a tué le père ! Ce n’est pas lui !

Ivan Fédorovitch s’arrêta.

— Qui donc aurait tué, d’après vous ? dit-il froidement.

Il y avait de la hauteur dans sa voix.