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les sourcils : « Fédor Pavlovitch, notre père, me dit-il, était un cochon, mais il avait l’esprit droit. » Voilà tout ce qu’il m’a dit. C’est pourtant mieux que Rakitine.

— Oui, dit amèrement Alioscha. Quand l’as-tu vu ?

— Nous en parlerons plus tard. Je ne t’ai pas encore parlé d’Ivan, je voulais te faire connaître… Je te dirai tout cela après le jugement, c’est une terrible chose… Tu me jugeras… Maintenant il ne faut même pas en parler. Tu disais tout à l’heure : « Eh demain ? » Me croiras-tu ? Je n’y pense pas.

— As-tu parlé à l’avocat ?

— Oui, je lui ai tout dit. C’est une habile canaille de la capitale, un Bernard. Il ne me croit pas, il est convaincu que je suis coupable. « Alors, pourquoi êtes-vous venu me défendre ? lui ai-je demandé. — Je m’en moque ! » Et voilà le médecin qui voudrait me faire passer pour fou ! Je ne le permettrai pas ! C’est Katherina Ivanovna qui a voulu faire jusqu’au bout son « devoir »… Baba ! Et Grigori s’entête à sa déposition, un honnête imbécile ! Il y a beaucoup de gens honnêtes par imbécilité… Ça, c’est du Rakitine. Mais Grouschka ! Pourquoi souffre-t-elle tant ? Elle était là tout à l’heure…

— Elle me l’a dit. Tu l’as profondément chagrinée.

— Je le sais. Que le diable emporte mon caractère ! Je lui ai fait une scène de jalousie, je ne lui ai pas demandé pardon.

— Pourquoi ?

Mitia se mit à rire gaiement.

— Que Dieu te garde, mon cher gamin, de jamais demander à une femme aimée pardon de tes torts,