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dans le monde par n’importe quels moyens. D’amour, je crois bien qu’il n’y en avait d’aucun côté, quoique Adélaïda fût très-belle. C’est d’ailleurs la seule femme qu’il n’ait pas aimée, car il était d’un tempérament très-ardent et n’attendait guère d’y être autorisé pour courir après une jupe.

Adélaïda Ivanovna ne fut pas longtemps à s’apercevoir qu’elle ne pouvait avoir que du mépris pour son mari. Sa famille lui avait pardonné son coup de tête et n’avait pas retenu la dot de la fugitive. Mais il y eut bientôt des scènes terribles entre les deux époux, et elles ne devaient pas cesser. On prétendait que Fédor Pavlovitch s’était emparé des vingt-cinq mille roubles qui composaient la dot de sa femme. Le fait est qu’il améliora son propre domaine et entama des négociations pour acquérir une très-belle maison de ville appartenant à sa femme. Elle la lui aurait évidemment cédée par lassitude, si ses parents n’y eussent mis bon ordre. On assure que les querelles dégénérèrent en voies de fait : mais il paraît que ce n’était pas Fédor Pavlovitch qui donnait les coups. Enfin Adélaïda Ivanovna s’enfuit avec un pauvre séminariste en laissant sur les bras de Fédor Pavlovitch son fils, Dmitri, âgé de trois ans.

Aussitôt Fédor Pavlovitch installa chez lui un harem. Il se mit à boire, et quand il n’était pas gris, il faisait une tournée parmi ses connaissances, se plaignant partout de sa femme et débitant sur son compte de telles choses que le fait même de les savoir est une honte pour un mari. Mais ce singulier personnage semblait prendre sa gloire dans le rôle de mari trompé. « On croirait, Fédor Pavlo-