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sa mort, on ne se doutait de rien. Mais il sentit tout à coup une douleur aiguë dans la poitrine, pâlit et appuya ses mains sur son cœur. Tous l’entourèrent aussitôt, et lui, souriant au milieu de ses souffrances, glissa de son fauteuil, se mit à genoux, baissa la tète jusqu’au sol, étendit les mains et, baisant la terre et priant, rendit doucement, joyeusement son âme à Dieu.

La nouvelle se répandit aussitôt dans le monastère. Les plus intimes amis du mort et ceux que leurs dignités rap- prochaient le plus de lui lui rendirent les derniers devoirs, selon de très-anciens usages. Les autres Pères se réunirent dans la chapelle.

Avant le jour la nouvelle était connue dans la vilK’. C’était le sujet de toutes les conversations. Dès le matin, on accourut en foule au monastère.

Ici survint un événement extraordinaire. Le corps du saint se décomposa avec une rapidité anormale, dès l’après- midi. On ne manqua pas de dire que l’esprit du mal s’était emparé de lui. Les Pères se rappelaient entre eux les innovations du staretsdans l’administration des sacrements, en particulier de la confession, qu’il faisait faire devant lui en commun et à voix haute. Mais la foule espérait que l’illustre défunt serait plus longtemps que les simples mortels respecté par les lois ordinaires de la nature. Cette déception fut prescjue un scandale. Alioscha, plus que per- sonne, était douloureusement impressionné.

« Comment ! celui qui devait être élevé au-dessus de tous les hommes, celui-là, au lieu de la gloire qui lui était due, était renversé, déchu de sa grandeur! Pour- quoi ? »