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le droit d’ajouter un mot à ses anciennes paroles? C’est peut-être le trait caractéristique du catholicisme romain, selon moi, du moins : « Tout a été transmis par TOI au Pape, c’est donc du Pape désormais que tout dépend; nous n’avons que faire de TOI, ne viens pas nous dé- ranger. » C’est la doctrine des Jésuites, je l’ai lue dans leurs livres. « As-tu le droit de nous révéler un seul des secrets du monde d’où tu viens? » lui demande mon vieillard, et il fait lui-même la réponse : « Non, tu n’en as pas le droit, puisque cette révélation s’ajouterait à celle que tu fis jadis, et que par là tu compromettrais cette liberté que toi-même prêchas. Toutes tes révélations nou- velles ne pourraient que gêner la liberté de la foi humaine, puisqu’elles constitueraient, aux yeu\ des hommes, autant de miracles : cependant, il y a quinze siècles, tu prônais au-dessus de tout cette liberté de la foi. N’as-tu pas dit bien souvent : « Je vous ferai libres. » Tu les as vus , les hommes libres, ajoute brusquement le vieillard. Ah I cela nous a coûté cher, reprend-il en le regardant avec sévérité ; mais enfin [nous avons accompli cette œuvre en ton nom. L’établissement de la liberté nous a coûté quinze siècles de rude tâche; mais c’est fait, et bien fait. Tu ne me crois pas? Tu jettes sur moi un doux regard, sans même me faire l’honneur de t’indigner. Mais sache que jamais les hommes ne se sont crus plus complètement libres qu’aujourd’hui, depuis qu’ils ont déposé leur liberté à nos pieds. Cela, il est vrai, c’est notre œuvre : est-ce la liberté que tu rêvais ?

— Voilà encore que je ne compiends pas , interrompit Alioscha ; il fait de l’ironie ? il plaisante ?