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146 LES FRÈRES KARAMAZOV.

en tout; mon cœur me le disait... On m'avait conseillé de ne pas faire cette démarche, mais j'en augurais bien, et je ne me suis pas trompée. Grouschegnka m'a expliqué ses intentions. Elle est venue comme un bon ange m'ap- porter la joie et le bonheur. . .

— Et vous ne m'avez pas méprisée, ma chère barichnia, chanta plutôt que ne parla Grouschegnka, avec son sem- piternel sourire.

— Taisez -vous, enchanteresse, magicienne que vous êtes ! Vous mépriser ! Je vais vous embrasser encore sur votre jolie lèvre pour vous punir. On dirait qu'elle est un peu enflée. Eh bien ! je vais la faire enfler encore davan- tage... Alexey Fédorovitch, regardez-la rire : cela épa- nouit le cœur...

Alioscha rougissait et frissonnait.

— Vous me gâtez, chère barichnia, je ne suis pas digne de vos caresses.

— Pas digne! pas digne 1 s'écria Katherina Ivanovna avec exaltation. Sachez, Alexey Fédorovitch, que nous avons la tête très-fantasque, très-indépendante, et le cœur très-fier, oh! très-fier! Nous avons des sentiments nobles, Alexey Fédorovitch, de généreux sentiments; saviez- vous cela? Nous étions seulement triste, tout près de nous sacrifier pour un homme peut-être indigne, et en tout cas bien léger : un oflicier, — nous l'avons aimé, nous lui avons tout donné, il y a cinq ans de cela, et il nous a oubliée, ii s'est marié. Maintenant il est veuf, il a écrit, il va venir, et sachez que c'est lui seul que nous avons toujours aimé, toute la vie. Quand il sera ici, Grouschegnka sera de nouveau heureuse après ces cinq ans de tristesse. Que

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