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t-elle tout à coup dans la direction de la porte voisine, venez donc ici! ce charmant garçon est au courant de tout, montrez-vous doncl

— Je n'attendais que votre appel, dit une voix douce, doucereuse plutôt.

La portière se souleva, et... Grouschegnka elle-même, en riant, toute joyeuse, s'approcha de la table. Ahoscha eut une sorte de frisson. Il la regarda fixement, il ne pouvait se détourner d'elle. — La voilà, cette terrible femme ! < cette bète fauve! » comme avait dit Ivan. Au premier abord, pourtant, c'était l'être le plus ordinaire, Dmitri ne s'était pas trompé, le plus simple, une femme charmanteet bonne: jolie, soit, mais pareille à toutes les johes femmes « ordinaires ». Elle était plus que jolie, il est vrai : très-belle. Une beauté russe, de celles qui font tant de passions. Assez haute de taille. un peu moins grande pourtantque Katherinalvanovna (celle-ci était d'ailleurs d'une taille pe« commune), forte, avec des gestes élastiques et doux, comme alanguis dans une douceur harmonisée avec celle de sa voix. Elle s'avança, non pas, comme avait fait Katherina Ivanovna, d'un pas ferme et puissant, mais sans bruit. Elle s'afTaissa molle- ment dans un fauteuil, fit doucement bruire sa belle robe de soie noire, et couvrit d'un châle, avec une mine de chatte frileuse, son cou blanc comme l'écume et ses larges épaules. Elle avait vingt-deux ans, et son visage attestait juste cet âge. La peau était très-blanche, avec des reflets rose pâle dans le teint; l'ovale du visage un peu large, la mi\clioire inférieure un peu saillante. La lèvre supérieure était mince, l'autre deux fois plus épaisse, presque enflée; une magnifique chevelure châtain, très-abondante, des

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