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LES FRERES KARAMAZOV. 143

qu'il cesse de me considérer comme sa fiancée... Com- ment! il a honte devant moi? Mais a-t-il eu honte devant vous, Alexey Fédorovitch? Eh! n'ai-je donc pas encore mérité sa confiance?

Elle prononça ces derniers mots en pleurant.

— Je dois vous communiquer, dit Alioscha d'une voix tremblante, ce qui vient d'arriver chez mon père.

Et il lui raconta la scène : comment il avait été envoyé par Dmitri chez son père pour demander l'argent, com- ment Dmitri était arrivé lui-même et avait assommé Fédor Pavlovitch, et comment, là-dessus, il lui avait, à lui, Alioscha, recommandé une dernière fois d'aller « saluer »...

— Et il est allé chez cette femme, ajouta doucement Alioscha.

— Vous pensez que je ne pourrai me faire à l'idée qu'il voit cette femme ? Il le pense aussi, mais il ne l'épousera pas, dit-elle tout à coup avec un rire nerveux. Est-ce qu'un Karamazov peut être éternellement en proie à un tel entraînement? Car c'est de l'entraînement, ce n'est pas de l'amour! Il ne l'é-pou-se-ra pas : elle ne voudra pas de lui!... fit-elle avec un rire étrange.

— Il l'épousera peut-être, dit tristement Alioscha en baissant les yeux.

— H ne l'épousera pas, vous dis-je! Cette jeune fille est un ange! Le saviez-vous? Le sa-viez-vous? s'écria- t-elle avec une fougue extraordinaire. C'est un être mira- culeux ! Certes, elle est séduisante, mais son âme est plus belle encore que sa figure. Pourquoi me regardez-vous ainsi, Alexey Fédorovitch? Je vous étonne? Vous ne me croyez pas?... Agrafeana Alexandrovna, mon ange, cria-

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