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LES FRERES KARAMAZOV. 129

lâtre qui lui faisait la cour, me souffleta devant elle. Je crus qu'elle m'assommerait : t II t'a battu, me disait-elle; il t'a giflé, tu me vendais à lui... Comment ! devant moi? il a osé te souffleter devant moi? N'aie pas l'audace de reparaître jamais à mes yeux ! Cours le provoquer en duel... » Je dus la mener au monastère pour qu'on fît des prières sur elle, afin de la calmer. Mais Dieu m'est témoin, Alioscha, que je ne l'ai jamais offensée, ma petite kli- ivouscha... Une fois seulement, pendant la première année de notre mariage". Elle priait trop, et m'avait interdit l'en- trée de sa chambre. Je me mis en tète de lui faire rabattre de son mysticisme, t Vois-tu cette icône, lui dis-je, je l'enlève , cette icône que tu considères comme miracu- leuse. Je vais cracher dessus , et je ne serai pas puni pour cela... » Dieu! elle va me tuer, pensai -je. Mais elle se leva seulement, joignit les mains, cacha son visage, fut prise d'un tremblement et tomba par terre toute roide... Alioscha! Alioscha! qu'as-tu? qu'as-tu?

Depuis qu'on parlait de sa mère , Alioscha changeait de couleur. Tout à coup il rougit, ses yeux étincelèrent, ses lèvres tremblèrent. Le vieil ivrogne ne s'aperçut de rien. Alioscha refit la scène même que Fédor Pavlovitch venait de raconter. Le jeune homme se leva, joignit les mains, puis s'en couvrit le visage, et tomba sur une chaise , fré- missant des pieds à la tète, comme dans une crise d'hys- térie, et fondit en larmes. Cette ressemblance extraordinaire de l'enfant et de la mère épouvanta Fédor Pavlovitch.

— Ivan ! Ivan I donne-lui de l'eau ; c'est comme elle , tout à fait comme elle ! Jette-lui de l'eau au visage, comme je faisais avec elle. C'est sa mère ! c'est sa mère !

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