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LES FRERES KARAMAZOV. 119

— Non, je ne l'ai pas apporté, répondit Alioscha en souriant.

— Âh ! ah ! tu as eu peur, n'est-ce pas? Mais pouvais-je vouloir te chagriner réellement?... Écoute, Ivan, je ne puis pas me tenir de joie, quand il me regarde ainsi en riant. Toute mon âme rit de plaisir, rien qu'à le voir. Je l'aimé ! Alioscha, viens que je te bénisse.

Alioscha se leva, mais Fédor Pavlovitch avait déjà ciiangé de dessein.

— Non, je Aais seulement faire un signe de croix. C'est cela, va t'asseoir. Tiens! voici l'ànede Balaam qui revient chargé de Hqueurs.

Cet âne de Balaam n'était autre que Smerdiakov, le valet, jeune homme de vingt-quatre ans, très-taciturne : non qu'il fût sauvage ou d'une extrême timidité, mais il avait un caractère hautain et paraissait mépriser tout le monde. Tout enfant, il avait témoigné à ses humbles bienfaiteurs une extrême ingratitude, comme le disait Grigory. Son plaisir était de pendre des chats et de les enterrer en grande cérémonie. A cet effet, il se revêtait d'un drap de lit en guise de surplis et agitait une pierre au bout d'un fil, autour du cadavre, en guise d'encensoir. Grigory le surprit une fois dans cette occupation et le fouetta rude- ment. Toute une semaine, l'enfant se tint dans un coin, jetant des regards de haine à ses protecteurs. « Il ne nous aime pas, disait Grigory à Marfa, le gredin ! D'ail- leurs, il n'aime personne. Es-tu un homme, oui ou non? lui demandait-il. Tu es né de la boue de la salle de bain... » j. Smerdiakov n'avait jamais pardonné ces paroles. Grigory lui apprit à lire, et lui donna l'Écriture sainte dès

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