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fermeté à Aliocha. D’une façon ou d’une autre, il en viendra à cette solution : il faut qu’il s’évade. Ce malheureux, ce héros de la conscience et de l’honneur — pas lui, pas Dmitri Fiodorovitch, mais celui qui est malade ici et s’est sacrifié pour son frère, ajouta Katia, les yeux étincelants, m’a depuis longtemps déjà communiqué tout le plan d’évasion. Il avait même fait des démarches ; je vous en ai déjà parlé… Voyez-vous, ce sera probablement à la troisième étape, lorsqu’on emmènera le convoi des déportés en Sibérie. Oh ! c’est encore loin. Ivan Fiodorovitch est allé voir le chef de la troisième étape. Mais on ne sait pas encore qui commandera le convoi ; d’ailleurs cela n’est jamais connu à l’avance. Demain, peut-être, je vous montrerai le plan détaillé que m’a laissé Ivan Fiodorovitch la veille du jugement, à tout hasard… Vous vous rappelez, nous nous querellions lorsque vous êtes venu ; il descendait l’escalier, en vous voyant je l’obligeai à remonter, vous vous souvenez ? Savez-vous à quel propos nous nous querellions ?

— Non, je ne sais pas.

— Évidemment, il vous l’a caché ; c’était précisément à propos de ce plan d’évasion. Il m’en avait déjà expliqué l’essentiel trois jours auparavant ; ce fut l’origine de nos querelles durant ces trois jours. Voici pourquoi : lorsqu’il me déclara que s’il était condamné Dmitri Fiodorovitch s’enfuirait à l’étranger avec cette créature, je me fâchai tout à coup ; je ne vous dirai pas pour quelle raison, je l’ignore moi-même. Oh ! sans doute c’est à cause d’elle et parce qu’elle accompagnerait Dmitri dans sa fuite ! s’écria Catherine Ivanovna, les lèvres tremblantes de colère. Mon irritation contre cette créature fit croire à Ivan Fiodorovitch que j’étais jalouse d’elle et, par conséquent, encore éprise de Dmitri. Voilà la cause de notre première querelle. Je ne voulus ni m’expliquer ni m’excuser ; il m’était pénible qu’un tel homme pût me soupçonner d’aimer comme autrefois ce… Et cela, alors que depuis longtemps je lui avais déclaré en toute franchise que je n’aimais pas Dmitri, que je n’aimais que lui seul ! C’est par simple animosité envers cette créature que je me suis fâchée contre lui ! Trois jours plus tard, justement le soir où vous êtes venu, il m’apporta une enveloppe cachetée que je devais ouvrir au cas où il arriverait quelque chose. Oh ! il pressentait sa maladie ! Il m’expliqua que cette enveloppe contenait le plan détaillé de l’évasion, et que s’il mourait ou tombait dangereusement malade, je devrais sauver Mitia à moi seule. Il me laissa aussi de l’argent, presque dix