de quoi se composait ce baume ou plutôt cette infusion dont vous vous êtes frotté les reins, avant de vous coucher, le soir du crime, comme il ressort de l’instruction ? »
Grigori le regarda d’un air hébété et, après un silence, murmura :
« Il y avait de la sauge.
— Seulement de la sauge ? Rien de plus ?
— Et du plantain.
— Et du poivre, peut-être ?
— Il y avait aussi du poivre.
— Et tout ça avec de la vodka ?
— Avec de l’alcool. »
Un léger rire parcourut l’assistance.
« Voyez-vous, même de l’alcool. Après vous être frotté le dos, vous avez bu le reste de la bouteille, avec une pieuse prière connue de votre épouse seule, n’est-ce pas ?
— Oui.
— En avez-vous pris beaucoup ? Un ou deux petits verres ?
— Le contenu d’un verre.
— Autant que ça. Un verre et demi, peut-être ? »
Grigori garda le silence. Il semblait comprendre.
« Un verre et demi d’alcool pur, ce n’est pas mal, qu’en pensez-vous ? Avec ça on peut voir ouvertes les portes du paradis ! »
Grigori se taisait toujours. Un nouveau rire fusa. Le président s’agita.
« Pourriez-vous dire, insista Fétioukovitch, si vous reposiez quand vous avez vu la porte du jardin ouverte ?
— J’étais sur mes jambes.
— Cela ne veut pas dire que vous ne reposiez pas. (Nouveau rire.) Auriez-vous pu répondre à ce moment-là, si quelqu’un vous avait demandé, par exemple, en quelle année nous sommes ?
— Je ne sais pas.
— Eh bien ! En quelle année sommes-nous, depuis la naissance de Jésus-Christ, le savez-vous ? »
Grigori, l’air dérouté, regardait fixement son bourreau. Son ignorance de l’année actuelle paraissait étrange.
« Peut-être savez-vous combien vous avez de doigts aux mains ?
— J’ai l’habitude d’obéir, proféra soudain Grigori ; s’il plaît aux autorités de se moquer de moi, je dois le supporter. »
Fétioukovitch resta un peu déconcerté. Le président intervint et lui rappela qu’il devait poser des questions plus en