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— Il y a des croquants de différentes sortes, déclara Kolia après une pause. Pouvais-je savoir que je tomberais sur un sujet intelligent ? »

Midi sonna à l’horloge de l’église. Les écoliers pressèrent le pas et ne parlèrent presque plus durant le trajet, encore assez long. À vingt pas de la maison, Kolia s’arrêta, dit à Smourov d’aller le premier et d’appeler Karamazov.

« Il faut, au préalable, se renseigner, lui dit-il.

— À quoi bon le faire venir ? objecta Smourov. Entre tout droit, on sera ravi de te voir. Pourquoi lier connaissance dans la rue, par ce froid ?

— Je sais pourquoi je le fais venir ici au froid », répliqua Kolia d’un ton despotique qu’il aimait prendre avec ces « mioches ».

Smourov courut aussitôt exécuter les ordres de Krassotkine.


IV

Scarabée

Kolia, l’air important, s’adossa à la barrière, attendant l’arrivée d’Aliocha. Il avait beaucoup entendu parler de lui par ses camarades, mais toujours témoigné une indifférence méprisante à ce qu’ils lui rapportaient à son sujet. Néanmoins dans son for intérieur il désirait beaucoup faire sa connaissance ; il y avait, dans tout ce qu’on racontait d’Aliocha, tant de traits qui attiraient la sympathie ! Aussi le moment était-il grave ; il s’agissait de sauvegarder sa dignité, de faire preuve d’indépendance : « Sinon, il me prendra pour un gamin comme ceux-ci. Que sont-ils pour lui ? Je le lui demanderai quand nous aurons fait connaissance. C’est dommage que je sois de si petite taille. Touzikov est plus jeune que moi et il a la moitié de la tête en plus. Je ne suis pas beau, je sais que ma figure est laide, mais intelligente. Il ne faut pas non plus trop m’épancher ; en me jetant tout de suite dans ses bras il croirait… Fi, quelle honte, s’il allait croire… »

Ainsi s’agitait Kolia tout en s’efforçant de prendre un air dégagé. Sa petite taille le tourmentait plus encore que sa « laideur ». À la maison, dès l’année précédente, il avait