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I

Kolia Krassotkine

Nous sommes aux premiers jours de novembre, par onze degrés de froid et temps de verglas. Pendant la nuit, il est tombé un peu de neige, que le vent « sec et piquant » soulève et balaie à travers les rues mornes de notre petite ville, surtout sur la place du marché. Il fait sombre ce matin, mais la neige a cessé. Non loin de la place, près de la boutique des Plotnikov, se trouve la petite maison, fort proprette tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, de Mme Krassotkine, veuve d’un fonctionnaire. Il y aura bientôt quatorze ans que le secrétaire de gouvernement[1] Krassotkine est mort, mais sa veuve, encore gentille et dans la trentaine, vit de ses rentes dans sa maisonnette. Douce et gaie, elle mène une existence modeste mais digne. Restée veuve à dix-huit ans, avec un fils qui venait de naître, elle se consacra tout entière à l’éducation de Kolia[2]. Elle l’aimait aveuglément, mais l’enfant lui causa certainement plus de peines que de joies car elle vivait dans la crainte perpétuelle de le voir tomber malade, prendre froid, polissonner, se blesser en jouant, etc. Lorsque Kolia alla au collège, sa mère se mit à étudier toutes les matières, afin de l’aider à faire ses devoirs ; elle lia connaissance

  1. Douzième classe de la hiérarchie.
  2. Diminutif de Nikolaï – Nicolas.