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froids et cyniques railleurs », incapables de comprendre les nobles élans de votre âme… Mettez-vous à notre place… »

Mitia éprouvait une émotion indescriptible. Il pâlit.

« C’est bien, s’écria-t-il tout à coup, je vais vous révéler mon secret, vous dire où j’ai pris l’argent… Je dévoilerai ma honte, pour n’accuser ensuite ni vous, ni moi.

— Et croyez, Dmitri Fiodorovitch, dit avec un joyeux empressement Nicolas Parthénovitch, qu’une confession sincère et complète de votre part, en cet instant, peut beaucoup améliorer votre situation par la suite, et même… »

Mais le procureur le poussa légèrement du pied sous la table et il s’arrêta. D’ailleurs, Mitia n’écoutait pas.


VII

Le grand secret de Mitia. On le raille

« Messieurs, commença-t-il avec émotion, cet argent… je veux tout raconter… cet argent était à moi. »

Les figures du procureur et du juge s’allongèrent, ils ne s’attendaient pas à cela.

« Comment, à vous ? fit Nicolas Parthénovitch, alors qu’à cinq heures du soir encore, d’après votre propre aveu…

— Au diable ces cinq heures du soir, au diable mon propre aveu, il ne s’agit plus de cela ! Cet argent était à moi, c’est-à-dire non… je l’avais volé… Il y avait quinze cents roubles que je portais toujours sur moi…

— Mais où les avez-vous pris ?

— Sur ma poitrine, messieurs, ils se trouvaient là cousus dans un chiffon, suspendus à mon cou. Depuis longtemps, depuis un mois, je les portais comme un témoignage de mon infamie !

— Mais à qui était cet argent que vous… vous êtes approprié ?

— Vous voulez dire : « volé ». Parlez donc franchement. Oui, j’estime que c’est comme si je l’avais volé, ou si vous voulez, je me le suis, en effet, « approprié ». Hier soir, je l’ai volé définitivement.

— Hier soir ? Mais vous venez de dire qu’il y a déjà un mois que vous… vous l’êtes procuré.

— Oui, mais ce n’est pas à mon père que je l’ai volé,