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— Finalement, poursuivit le narrateur, — Pavlitchtcheff rencontra un jour à Berlin le professeur Schneider, un médecin suisse qui s’occupe spécialement de ces maladies-là, et qui a créé dans le canton du Valais un établissement psychiatrique où il traite l’idiotisme et la folie par l’hydrothérapie et la gymnastique ; il donne aussi l’instruction à ses pensionnaires et se charge de tout ce qui concerne leur développement intellectuel. Voilà bientôt cinq ans que Pavlichtcheff m’a fait entrer dans la maison de santé dirigée par ce docteur ; lui-même, il y a deux ans, a été emporté par une mort subite qui ne lui a pas laissé le temps de mettre ordre à ses affaires. Cela n’a pas empêché Schneider de me garder chez lui pendant deux années encore. Grâce aux soins qu’il m’a prodigués, je vais beaucoup mieux, mais je ne suis pas guéri. Cependant je désirais vivement retourner en Russie. À la fin est survenue une circonstance qui l’a décidé à me laisser partir.

Ce récit étonna grandement le général.

— Et vous ne connaissez décidément personne en Russie ? demanda-t-il.

— Maintenant non, mais j’espère… d’ailleurs, j’ai reçu une lettre…

— Du moins, interrompit Ivan Fédorovitch, qui n’avait pas bien entendu les derniers mots du prince, — vous avez appris quelque chose, et votre maladie ne vous empêcherait pas d’occuper, par exemple, un emploi facile dans une administration ?

— Oh ! non sans doute. Et même je désirerais fort avoir un emploi, parce que je veux voir un peu de quoi je suis capable. Pendant les quatre années que j’ai passées en Suisse, j’ai toujours étudié, quoique d’une façon peu systématique, suivant une méthode propre à Schneider. De plus, j’ai pu lire beaucoup de livres russes.

— Des livres russes ? Alors vous lisiez et écrivez couramment ?

— Oui, certes.

— Très-bien ; et avez-vous une belle main ?