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Ceux qui aiment à réfléchir sur ces matières liront l’Idiot jusqu’au bout ; ceux-là aussi qui ne plaignent pas leurs nerfs, qui se plaisent aux cours et aux expériences de M. Charcot. Ce ne sera pas le cas, je le crains, pour la clientèle habituelle des romans. Jugez donc, un roman qui fait penser autant qu’un traité de philosophie, et travailler l’esprit autant qu’un texte hiéroglyphique ! Notre éducation littéraire nous a enseigné le respect des genres, et nous ne souffrons pas qu’on les mêle ; il y a le livre qui doit faire penser et celui qui ne le doit pas ; nous lisons volontiers les deux, mais chacun à son heure ; ici, Paul de Kock et Ponson du Terrail ; là, Malebranche ou Claude Bernard. Je devais prévenir loyalement que, dans cette fiction barbare, Dostoïevsky a mêlé les genres. Ceux que l’exercice de penser fatigue trop ne seront pas pris en guet-apens.

E. M. de Vogüé.