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— N-non… je… n-non, bégaya-t-il, rouge de honte. Il regarda rapidement Aglaé assise à l’écart, puis se hâta de détourner les yeux. La jeune fille ne le perdait pas de vue, et froidement, tranquillement, observait son trouble.

— Non ? Vous avez dit : non ? poursuivit l’impitoyable Élisabeth Prokofievna, — assez, je me souviendrai que, ce mercredi matin, en réponse à ma question, vous avez dit : « non ». Quel jour est-ce aujourd’hui, mercredi ?

— Je crois que oui, maman, répondit Adélaïde.

— Elles ne savent jamais les jours. Quel quantième du mois ?

— Le vingt-sept, dit Gania.

— Le vingt-sept ? C’est bon à savoir. Adieu, vous avez beaucoup d’occupations, paraît-il, et moi, il est temps que je m’habille, j’ai à sortir ; prenez votre portrait. Présentez mes hommages à la malheureuse Nina Alexandrovna. Au revoir, cher prince ! Viens le plus souvent possible, moi j’irai exprès chez la vieille Biélokonsky pour lui parler de toi. Écoutez encore ceci, cher : je crois que c’est précisément pour moi que Dieu vous a amené de Suisse à Pétersbourg. Vous aurez peut-être aussi d’autres affaires, mais c’est surtout pour moi. Cela était précisément dans les desseins de Dieu. Au revoir, chéries. Alexandra, viens avec moi, mon amie.

La générale sortit. Écrasé, déconfit, furieux, Gania prit le portrait qui se trouvait sur la table, et s’adressa au prince en grimaçant un sourire.

— Prince, je rentre de ce pas à la maison. Si vous êtes toujours dans l’intention d’habiter chez nous, je vais vous ramener avec moi, car vous ne connaissez pas notre adresse.

— Attendez, prince, dit Aglaé, qui s’était levée brusquement, — il faut auparavant que vous écriviez quelque chose sur mon album. Papa a dit que vous étiez un calligraphe. Je vais vous le chercher à l’instant.

Sur ce, elle disparut.

— Au revoir, prince, je m’en vais aussi, dit Adélaïde.