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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

sont même préjudiciables à sa famille, parce qu’il abandonne pour longtemps la surveillance de son bien ; qu’il serait sans doute, plus agréable à Dieu en travaillant sa terre et en soignant son bétail. On aurait encore bien des choses à dire là-dessus, mais que faire contre une tendance historique ; la recherche du bien prend presque toujours cette forme chez notre peuple, la forme du repentir. Lévine aurait pu tenir compte aux volontaires de cet instinct traditionnel ; en partant, ils croyaient accomplir une bonne œuvre et se montraient, en tous cas, de bons représentants de la race. Ce n’étaient, je le répète, ni des êtres perdus de vices, ni des fainéants, mais peut-être les meilleurs d’entre les gens du peuple. Chacun d’eux savait qu’il n’allait pas contre le gré du Tzar ; tout le monde attendait la manifestation de la volonté tzarienne avec espoir, et nous autres, qui restions dans notre coin, nous étions heureux de voir le grand peuple russe justifier notre bonne opinion de lui. Que vient-on nous parler de « bande à Pougatscheff  » et de Commune après cela ! Il n’y avait qu’un hypocondriaque comme Lévine pour le faire.

XI

L’AGITATION LÉVINE. UNE QUESTION. NOS INSTITUTEURS


Mais la conversation s’anime, Lévine va jusqu’à dire que la prétendue compassion, inspirés par les malheurs des Slaves d’Orient, n’existe pas et ne peut pas exister.

Serge Ivanovitch Koznischev prend la parole :

— … Il y a là tout simplement une expression d’un sentiment humain et chrétien. On tue nos frères de race, nos corréligionnaires : on n’épargne ni femmes, ni enfants, ni vieillards. Les Russes s’indignent et accourent pour faire cesser ces horreurs. Figure-toi que, dans une