Page:Dostoïevski - Journal d’un ecrivain.djvu/482

Cette page a été validée par deux contributeurs.
478
JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

tanément son originalité et sa foi en soi-même. Il n’est rien à dire contre telles idées nouvelle de l’Extrême-Occident.

Aujourd’hui, le protestantisme de Luther a fait son temps ; c’est la science qui représente l’esprit de libre examen. L’immense organisme de l’Allemagne a senti, plus que tout autre, l’impossibilité de s’exprimer lui-même. C’est de nos jours que lui vint l’irrésistible besoin de se donner une direction unique, en vue de son interminable guerre avec l’Occident. Il faut faire ici une observation assez étrange : les deux adversaires, Allemagne et Extrême-Occident, accomplirent, malgré leur hostilité une besogne assez semblable à la formule des Orientaux : La réconciliation de toute l’humanité sur de nouvelles bases sociales, proclamée pendant tout le siècle par des idéalistes sentimentaux, demeure, mais ceux qui tiennent à la faire triompher semble vouloir changer leurs moyens d’action. Ils parlent de laisser là les théories et de commencer matériellement la lutte  ; pour cela ils ont l’intention de provoquer l’union de tous les partisans d’un ordre de choses nouveau, de tout le Quatrième État oublié en 1789, de tous les ouvriers et indigents, et de faire éclater une révolution comme on n’en aura encore vue. L’internationale est apparue ; les prolétaires du monde entier se sont mis en relation et un nouveau status in statu menace d’engloutir la vieille société européenne. Et l’Allemagne a compris, qu’avant de livrer d’autres combats à son vieil ennemi, le catholicisme, il fallait reconstituer fortement son organisme politique. Ce ne fut donc qu’après avoir réalisé son unité, que l’Allemagne entra de nouveau en lutte avec l’adversaire d’antan. L’œuvre du fort est terminé ; la guerre spirituelle commence. Mais voici qu’une nouvelle difficulté vient compliquer l’œuvre allemande…