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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

PRO ET CONTRA


Il n’est pas facile de connaître complétement l’histoire de quarante siècles, surtout quand il s’agit d’un peuple comme les juifs. Mais pour commencer, je sais ceci : Il n’y a pas au monde une nation qui se soit plainte à un tel point et à chaque instant de ses humiliations, de ses souffrances, de son martyre. On croirait vraiment que ce ne sont pas eux les maîtres de l’Europe, des Bourse, de la politique, des affaires intérieures des États. Mais si l’influence juive n’était pas si forte, il y a longtemps que la question slave serait résolue au profit des Slaves et non pas des Turcs. Je suis sûr que Lord Beaconsfield n’a pas oublié ses origine israélites et qu’il dirige sa politique conservatrice anglaise non seulement au point de vue conservateur mais aussi au point de vue juif.

Mettons que cela soit un propos en l’air, mais je ne puis croire que les juifs soient si martyrisés que cela ; je crois que les paysans russes portent sur leurs épaules un fardeau que les juifs ne porteraient pas.

Mon correspondant susdit m’écrit dans une lettre :

« Avant tout il est indispensable d’octroyer aux juifs tous les droits civils. (Pensez que jusqu’à présent, ils sont privé du droit le plus élémentaire : de choisir librement leur résidence… » Mais, Monsieur mon correspondant, vous qui me dites dans un autre passage de votre seconde lettre que : « vous aimez et plaignez incomparablement plus la masse des travailleurs russes que la classe laborieuse juive » (ce qui est beau de la part d’un juif), pensez que lorsqu’un juif souffrait de ne pouvoir choisir librement sa résidence, 23.000.000 de Russes pâtissaient du servage, ce qui était plus pénible. Je ne crois pas que les juifs les aient plaints alors. À l’Ouest et au Sud de la Russie, on vous répondra qu’à cette époque, comme aujourd’hui, ils poussaient les