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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

mort d’un enfant de douze ans. Et il y a quelque ressemblance entre la fiction et l’histoire vraie. D’ailleurs, je vais citer des passages de la lettre sans y changer un mot. Le sujet est intéressant.

« Le 8 novembre, au soir, on apprit dans la ville qu’un jeune garçon de douze à treize ans, élève du Lycée, s’était pendu. Et voici les renseignements recueillis à ce propos : Le professeur du Lycée, constatant que le malheureux enfant qui s’est tué ne savait pas sa leçon, l’avait mis en retenue jusqu’à 5 heures. L’élève, demeuré seul, détacha d’une poulie une corde, qu’il fixa à un fort clou planté dans le mur, et se pendit. Un domestique, qui lavait le parquet d’une pièce voisine, l’aperçut et courut chez le directeur. Celui-ci accourut. On dépendit l’enfant, mais il était trop tard. Il était mort. Quelle peut-être la cause du suicide ? Ce jeune garçon n’était pas de caractère violent. C’était plutôt d’ordinaire, un bon élève. Il avait eu récemment de mauvaises notes, et c’était tout. On dit que c’était, ce jour-là, sa fête et la fête de son père qui se montrait assez sévère avec le petit. Sans doute le gamin rêvait-il à l’accueil qu’il recevrait à la maison, ce jour-là, aux caresses de son père, de sa mère, de ses frères et sœurs… Et au lieu de cela, il s’est trouvé tout seul dans le collège vide, songeant à la colère terrible de son père, au châtiment qui l’attendait… Il savait qu’on peut en finir avec sa vie (et quel est l’enfant de ce temps qui ne le sait pas ?) On se lamente sur le sort du pauvre garçon ; on plaint aussi beaucoup le directeur, qui est un homme excellent et un professeur de mérite, adoré de ses élèves. Qu’ont dû penser les camarades du petit suicidé et les autres enfants qui ont appris la nouvelle ?… Certaines personnes commencent déjà une campagne contre les établissement d’instruction publique. On blâme l’excessive sévérité de la discipline, etc. »

On peut en effet s’apitoyer sur le sort du pauvre enfant, mais je m’étendrai pas sur les causes probables du suicide, ni surtout sur l’excessive sévérité de la discipline dans les collèges. On était tout aussi sévère autrefois dans les collèges et aucun enfant ne songeait au suicide.