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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

pleurer ; mais ce serait trop ridicule de pleurer à cause de pantins !… Tout à coup, il sent qu’on empoigne son pauvre vêtement et qu’on le secoue. Un grand garçon de physionomie méchante le frappe au visage, lui prend sa casquette et le maltraite à coups de pied. Le pauvre petit tombe sur le pavé ; il entend qu’on crie, se relève et se met à courir, à courir… jusqu’au moment où il aperçoit une cour sombre où il pourra se cacher derrière une pile de bois.

Il retombe dans sa cachette ; il souffre, il ne peut reprendre sa respiration ; il suffoque, suffoque… et, soudain, que c’est bizarre !… il se sent très bien, guéri de tout ; jusqu’à ses petites mains qui cessent de lui faire mal ! Et il a chaud ; c’est une chaleur douce qui l’envahit comme s’il se trouvait près d’un poêle. Il s’endort ! Qu’il est doux aussi le sommeil qui le prend ! « Je vais rester ici un petit instant, se dit-il, puis j’irai revoir les pantins. »

Mais il entend sa mère, — qui est morte, pourtant ! — chanter auprès de lui : « Ah ! maman, je dors ! Comme c’est bon de dormir ici ! »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— Viens chez moi voir l’arbre de Noël, murmure au-dessus de lui une voix suave.

Il croit d’abord que c’est toujours sa maman ; mais non ! ce n’est pas elle ! Qui donc lui parle ? Il ne sait pas… Mais quelqu’un se penche vers lui et l’embrasse… et tout à coup, quelle lumière ! Quel arbre de Noël, aussi ! Il n’a jamais rêvé un tel arbre de Noël ! Tout brille, tout resplendit, et le voici entouré de petits garçons et de petites filles qui semblent rayonnants de lumière et tournant en voletant autour de lui, qui l’embrassent, l’enlèvent, l’emportent avec eux ; il flotte comme les autres dans la clarté, et sa mère est tout près, qui le regarde et sourit joyeusement :

— Maman, maman ! Ah ! que c’est beau ici ! crie l’enfant.

Et, de nouveau, il embrasse ses petits compagnons et voudrait leur raconter tout de suite ce que faisaient des pantins derrière la vitre illuminée. Mais une curiosité le prend :

— Qui êtes-vous, petits garçons et petites filles ?