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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

ment d’expliquer l’intention que nous avons eue en employant cette expression que nous ne voudrions pas voir prendre pour une plaisanterie.




Extrait du no 43 du journal "Grajdanine", 1873.


Voici un mois qu’à commencé en France, à Trianon, le procès du maréchal Bazaine. Malgré l’époque troublée et les inquiétudes qu’inspire la possibilité de prochains changements politiques qui peuvent tout remettre en question, ce procès passionne la France et l’Europe. Il excite une curiosité de plus en plus grande. Nous assistons à l’évocation d’événements récents, terribles pour les Français ; nous revoyons les commencements de cette guerre affreuse, l’effondrement si subit d’une dynastie qui prédominait politiquement en Europe. Puis combien d’énigmes, de problèmes demeurés encore insolubles ! Ces hésitations, ces désunions, ces intrigues au moment où la France avait besoin de l’aide de tous les siens !

Le maréchal Bazaine est traduit devant un conseil de guerre, parce que, s’étant enfermé dans une ville fortifiée de premier ordre, Metz, disposant d’une armée nombreuse, de tout l’outillage militaire nécessaire et de vivres pour des mois, il a pris le parti de se rendre aux Allemands avec toutes ses forces en hommes et en munitions sans avoir même subi un assaut. (Les troupes prussiennes n’avaient tenté aucun effort offensif ; elles s’étaient bornées à bloquer la forteresse.) Le maréchal se trouvait dans la position la plus favorable pour retarder, diviser, et affaiblir les armées ennemies dans leur marche vers le cœur de la France. Il a livré tout, hommes, armes, bagages, drapeaux ; et ces drapeaux, on affirme que c’est intentionnellement qu’il ne les a pas détruits, sans doute sur la demande des Allemands, avec lesquels il était en