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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

République. On verra donc se prolonger pendant une période indéfinie l’insupportable état de choses actuel. — Plus tard, à l’aide des baïonnettes, on arrivera peut-être à une solution définitive : Monarchie ou République… Pour l’instant on ne se soucie que de faire vivre le plus longtemps possible l’Assemblée Nationale. Et il est très probable que les choses s’arrangeront selon les désirs de cette Assemblée. On s’étonne toutefois de voir des légitimistes renoncer au comte de Chambord pour une question de drapeau et, malgré toutes les apparences, il pourrait se faire que tout se terminât au gré du prétendant. L’article de Veuillot a du poids : son journal est le véritable interprète de l’opinion royaliste en France.

Toutefois, le Daily News prétend savoir que Henri V est décidé à des concessions. Alors à quoi lui servira l’article de Veuillot ?… Une seule chose est certaine : on n’a aucun renseignement précis sur les ultimes résolutions du prétendant.

Le Président du Conseil des ministres, M. le duc de Broglie, dans un banquet donné à Neville-Dubon, à l’occasion d’une inauguration de chemin de fer, a prononcé un discours dans lequel il s’est déclaré franchement monarchiste et a insisté sur le droit absolu qu’avait l’Assemblée de proclamer la forme de gouvernement qu’elle jugerait la plus avantageuse pour la France (lisez : la Monarchie). « Néanmoins, a-t-il ajouté, les formes de l’organisation civile également chères à tous, parmi nous, resteront intangibles. » En d’autres termes, il a promis que le comte de Chambord accepterait le drapeau tricolore et les principes de 89. Tout le monde sait que le duc de Broglie est le plus ardent champion de la monarchie et qu’il fait le possible et l’impossible pour éviter toute dissension entre royalistes. Il veut satisfaire tout le monde et, par conséquent, amener le prétendant à accepter le drapeau tricolore. Mais ce qu’il y a en tout cela de plus caractéristique, c’est de voir un membre d’un gouvernement dit républicain, un président du Conseil des ministres, se permettre, dans un banquet, en public enfin, de si franches déclarations royalistes. Cette « action légère » du duc