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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

n’être qu’un monarque qui pactise avec la Révolution, — ou il joue une comédie. Il n’est pas bien difficile d’accepter une constitution : un trait de plume y suffit. Mais demeurer fidèle à cette constitution sa vie durant, mais l’appliquer selon sa lettre et son esprit pendant de longues années, voilà une tâche à laquelle le comte de Chambord pourrait bien faillir, s’il ne se méfie pas de certaines influences. C’est une grosse affaire que de réformer sa nature, son éducation, que de faire table rase de ses convictions. Si sincère que soit le comte de Chambord, sera-t-il de force à opérer en lui-même cette autre révolution ? Pourquoi le comte de Chambord, après s’être trahi lui-même, resterait-il fidèle à la France ? Nous ne l’accusons pas de duplicité ; mais il a donné maintes preuves d’une faiblesse de caractère qui pourrait inspirer à son entourage plus d’une dangereuse velléité d’incartades. Il y a là un péril pour le pays. Les hommes de Versailles peuvent faire du comte de Chambord le Roi de l’Assemblée, mais ils semblent impuissants à fonder de façon stable son pouvoir sur le sol français. Le duc de Broglie et ses amis se figurent que ce qui était possible en 1789, demeure faisable en 1873. Ils oublient tout un siècle et tout un régime politique implanté en France pendant ce siècle. L’école des « restaurateurs historiques » — et le duc de Broglie en est un des plus typiques représentants, — est composée d’antiquaires et non de vrais conservateurs. »

À côté de l’article du Daily News, voici quelques opinions des plus caractéristiques de Louis Veuillot, dans le journal des Jésuites, l’Univers :

« Quelques vieux Huguenots fidèles à Henri IV disaient, pour excuser son abjuration, que « Paris valait bien une messe ». Henri V est entouré de politiciens qui cherchent à lui prouver que Paris vaut bien un engagement pris envers la Révolution.

Rien ne leur parait plus simple. Le Roi, pourtant, n’est pas de leur avis : « Ce qui est à faire, dit-il, ne peut se faire qu’au nom de tout le monde et avec le concours de tout le monde, sous les ordres d’un chef obéi. Je suis l’homme qui divise le moins. Entre vos mains,