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la porte cochère, dont elle occupait presque toute la largeur. Le jeune homme put donc franchir le seuil sans être vu, en se glissant dans l’étroit passage resté libre entre la charrette et le mur.

Quand il fut dans la cour, il prit vivement à droite. De l’autre côté de la charrette, des gens se disputaient : il les entendait crier. Mais nul ne le remarqua, et il ne rencontra personne. Plusieurs des fenêtres qui donnaient sur cette immense cour carrée étaient alors ouvertes ; cependant il ne leva pas la tête, — il n’en avait pas la force. Son premier mouvement fut de gagner l’escalier de la vieille, lequel se trouvait à droite.

Reprenant haleine et tenant la main appuyée sur son cœur pour en comprimer les battements, il se mit en devoir de gravir les marches, non sans s’être assuré que sa hache était bien assujettie par le nœud coulant. À chaque minute, il prêtait l’oreille. Mais l’escalier était complétement désert, toutes les portes étaient fermées ; il ne rencontra pas une âme. Au second étage, il est vrai, un logement inhabité, était ouvert, et des peintres y travaillaient. Ceux-ci, du reste, ne virent pas Raskolnikoff. Il s’arrêta un instant, réfléchit et continua son ascension. « Sans doute mieux vaudrait qu’ils ne fussent pas là, mais… au-dessus d’eux il y a encore deux étages. »

Voici le quatrième étage, voici la porte d’Aléna Ivanovna ; le logement d’en face est inoccupé. Au troisième, l’appartement situé juste au-dessous de celui de la vieille est vide aussi, selon toute apparence : la carte de visite qui était clouée sur la porte n’y est plus, les locataires sont partis !… Raskolnikoff étouffait. Il eut une seconde d’hésitation : « Ne ferais-je pas mieux de m’en aller ? » Mais, sans répondre à cette question, il se mit aux écoutes : aucun bruit ne venait de chez l’usurière. Dans l’escalier, même silence. Après avoir longuement prêté l’oreille, le jeune homme jeta un dernier