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assez, tout est pardonné. N’est-ce pas, vous m’avez pardonné ? Eh bien, marchons ! Je connais ce corridor, j’y suis déjà venu ; tenez, ici, au numéro trois, il s’est passé un scandale… Où logez-vous ici ? Quel numéro ? Huit ? Alors vous ferez bien de vous enfermer pour la nuit, ne laissez entrer personne. Dans un quart d’heure je vous apporterai des nouvelles, et, une demi-heure plus tard, vous me verrez revenir avez Zosimoff. Adieu, je me sauve !

— Mon Dieu, Dounetchka, que va-t-il advenir ? dit anxieusement Pulchérie Alexandrovna à sa fille.

— Tranquillisez-vous, maman, répondit Dounia en se débarrassant de son chapeau et de sa mantille, Dieu lui-même nous a envoyé ce monsieur : quoiqu’il vienne de prendre part à une orgie, on peut compter sur lui, je vous l’assure. Et tout ce qu’il a déjà fait pour mon frère…

— Ah ! Dounetchka, Dieu sait s’il reviendra ! Et comment ai-je pu me résoudre à quitter Rodia !… Combien peu je m’attendais à le trouver ainsi ! Quel accueil il nous a fait ! On dirait que notre arrivée le contrarie…

Des larmes brillaient dans ses yeux.

— Non, ce n’est pas cela, maman. Vous ne l’avez pas bien vu, vous pleuriez toujours. Il a été très-éprouvé par une grave maladie, voilà la cause de tout.

— Ah ! cette maladie ! Qu’arrivera-t-il de tout cela ? Et comme il t’a parlé, Dounia ! reprit la mère ; elle cherchait timidement à lire dans les yeux de sa fille. Mais déjà elle était à demi consolée parce que Dounia prenait la défense de son frère, et, par conséquent, lui avait pardonné. — Je sais bien que demain il sera d’un autre avis, ajouta-t-elle, voulant pousser son enquête jusqu’au bout.

— Et moi, je sais bien que demain il dira encore la même chose… à ce sujet, répliqua Avdotia Romanovna.

La question était si délicate à traiter que Pulchérie Alexandrovna n’osa pas poursuivre l’entretien. Dounia