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pieds du malade, s’efforçant de trouver là une place suffisante pour son énorme personne.

— Mais il est toujours hypocondriaque, poursuivit Razoumikhine ; tout à l’heure, quand nous l’avons changé de linge, il s’est presque mis à pleurer.

— La chose se comprend ; on pouvait faire cela plus tard, il n’était pas nécessaire de le contrarier… Le pouls est excellent. Nous avons toujours un peu mal à la tête, hein ?

— Je me porte bien, je me porte parfaitement ! dit Raskolnikoff avec irritation. En prononçant ces mots, il s’était tout à coup soulevé sur le divan, et ses yeux étincelaient ; mais, moins d’une seconde après, il retomba sur son oreiller et se tourna du côté du mur. Zosimoff le considérait attentivement.

— Très-bien… rien de particulier à noter… déclara-t-il négligemment. — A-t-il mangé quelque chose ?

On raconta le repas fait par le malade, et l’on demanda ce qu’on pouvait lui donner.

— Mais on peut lui donner n’importe quoi… de la soupe, du thé… Naturellement, les champignons et les concombres lui sont interdits ; il ne faut pas non plus qu’il mange de bœuf, ni… Mais c’est là du bavardage superflu… — Il échangea un regard avec Razoumikhine. — Plus de potions, plus de médicaments, et demain je viendrai voir… On aurait pu aujourd’hui… Allons, c’est bien…

— Demain soir, je lui ferai faire une promenade ! décida Razoumikhine. — Nous irons ensemble au jardin Ioussoupoff et ensuite au Palais de Cristal.

— Demain ce serait peut-être un peu tôt, mais une petite sortie… D’ailleurs, d’ici là, nous verrons.

— Ce qui me vexe, c’est qu’aujourd’hui justement je pends la crémaillère à deux pas d’ici ; je voudrais qu’il fût des nôtres, quand il devrait rester couché sur un divan ! Tu viendras, toi ? demanda brusquement Razoumikhine à Zosi-