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— Adieu ! dit-il brusquement, et il se dirigea vers la porte.

— Mais reste donc, que tu es drôle !

— C’est inutile !… répéta-t-il en dégageant sa main que son ami avait saisie.

— Alors, pourquoi diable es-tu venu ? Est-ce que tu as perdu l’esprit ? Voyons, c’est presque une offense que tu me fais. Je ne te laisserai pas partir comme cela.

— Eh bien, écoute : je suis venu chez toi parce que je ne connais que toi qui puisses m’aider… à commencer… parce que tu es meilleur qu’eux tous, c’est-à-dire plus intelligent, et que tu peux apprécier… Mais maintenant, je vois qu’il ne me faut rien, tu entends, rien du tout… Je n’ai besoin ni des services ni des sympathies de personne… Je me suffis à moi-même ! Qu’on me laisse en repos !

— Mais attends une minute, ramoneur ! Tu es tout à fait fou ! Tu auras beau dire, c’est mon opinion. Vois-tu, je n’ai pas de leçons, non plus, mais je m’en moque, j’ai un libraire, Khérouvimoff, qui, dans son genre, est une leçon. Je ne le troquerais pas contre cinq leçons chez des marchands. Il publie de petits livres sur les sciences naturelles, et cela s’enlève comme du pain ! Le tout est de trouver des titres ! Tu prétendais toujours que j’étais bête : eh bien, mon ami, il y a plus bête que moi ! Mon éditeur, qui, personnellement, ne sait ni a ni b, s’est mis au ton du jour ; moi, bien entendu, je l’encourage.

Voilà, par exemple, ces deux feuilles et demie de texte allemand : c’est, selon moi, du charlatanisme le plus sot ; l’auteur examine la question de savoir si la femme est un homme ; naturellement il tient pour l’affirmative et la démontre d’une façon triomphante. Je traduis cette brochure pour Khérouvimoff, qui la juge d’actualité dans un moment où l’on s’occupe de la question des femmes. Nous ferons six feuilles avec les deux feuilles et demie de l’origi-