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Resté seul, Koch sonna encore une fois, mais doucement ; puis il se mit, d’un air songeur, à tourmenter le bouton de la serrure, faisant aller et venir le pêne, pour bien se convaincre que la porte n’était fermée qu’au verrou. Ensuite, soufflant comme un homme poussif, il se baissa pour regarder par le trou de la serrure, mais en dedans la clef y avait été mise, de sorte qu’on ne pouvait rien voir.

Debout, de l’autre côté de la porte, Raskolnikoff tenait la hache dans ses mains.

Il était comme en délire et s’apprêtait à livrer bataille aux deux hommes quand ils pénétreraient dans l’appartement. Plus d’une fois, en les entendant cogner et se concerter entre eux, il eut l’idée d’en finir tout de suite et de les interpeller à travers la porte. Par moments, il éprouvait une envie de les injurier, de les narguer, en attendant qu’ils fissent invasion dans le local. « Plus tôt ce sera fini, mieux cela vaudra ! » pensait-il de temps en temps.

— Quel diable pourtant !…

Le temps se passait, personne ne venait. Koch commença à perdre patience.

— Quel diable !… vociféra-t-il de nouveau, et, ennuyé d’attendre, il abandonna sa faction pour aller en bas retrouver le jeune homme. Peu à peu, le bruit de ses bottes qui résonnaient lourdement sur l’escalier cessa de se faire entendre.

— Seigneur ! Que faire ?

Raskolnikoff tira le verrou et entre-bâilla la porte. Rassuré par le silence qui régnait dans la maison, et, d’ailleurs, presque hors d’état de réfléchir en ce moment, il sortit, ferma derrière lui la porte du mieux qu’il put et enfila l’escalier.

Il avait déjà descendu plusieurs marches quand soudain un grand bruit se produisit au-dessous de lui ; où se fourrer ? Il n’y avait moyen de se cacher nulle part. Il remonta en toute hâte.