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Dans sa célèbre Maison des Morts, Dostoïevski décrit en détail sa vie au bagne et ses impressions. Il avait là-bas la possibilité de se rapprocher du peuple, de l’étudier, et, en même temps, il se pénétrait de cet esprit mystique propre aux masses sombres des Russes. Pendant trois ans, Dostoïevski n’écrivit absolument rien. Il n’avait entre les mains aucun livre sauf la Bible, et d’après ses propres paroles : « ne lisant que la Bible, il put comprendre mieux et plus profondément le sens du christianisme. »

La dernière année du bagne, avec un nouveau directeur, la situation de Dostoïevski s’améliora. « Dans la ville, écrit-il, parmi les officiers se trouvaient des connaissances et même des camarades d’école. Je renouai des relations avec eux, et par eux je pus me procurer un peu d’argent, écrire aux miens et même avoir des livres. Il est difficile de se rendre compte de l’impression étrange et en même temps émouvante produite sur moi par le premier livre que je lus en prison. C’était un numéro d’une revue quelconque. C’était comme si une nouvelle de l’autre monde m’était venue trouver. Je me jetai d’abord sur un article signé du nom d’une connaissance, un ami d’autrefois… »

La santé de Dostoïevski fut terriblement ébranlée par la vie du bagne. Étant enfant il souffrait déjà de troubles nerveux, et avant son arrestation, vers 1846, ses nerfs furent si ébranlés qu’on crut qu’il allait devenir fou.

Ce fut aux soins de ses amis Beketov et Ianovski qu’il attribua sa guérison. À cette époque, la nuit, il était parfois saisi de cette terreur mystérieuse qu’il décrit minutieusement dans Les Humiliés et Offensés. De temps en temps survenaient des crises épileptiformes.