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nous n’avons rien à faire ensemble. Ils se sont mis en tête (et je voudrais bien savoir qui a le premier lancé cette idée), ils se sont mis en tête que je les donne avec toute la Kapitonovka… (tu t’en souviens de la Kapitonovka ? Nous allions nous y promener le soir avec la défunte Katia)… que je donne toute la Kapitonovka et soixante-dix âmes à Foma Fomitch. « Nous voulons rester avec toi, voilà tout ! » me disent-ils.

— Ainsi, ce n’est donc pas vrai, mon oncle ? Vous n’allez pas la lui donner ? m’écriai-je avec joie.

— Jamais de la vie ! Je n’en ai jamais eu l’idée ! Qui t’en a donc parlé ? Ils sont partis sur un mot qui m’a échappé une fois par hasard. Qu’ont-ils donc à tant détester Foma ? Attends, Serge, je te le présenterai, ajouta-t-il en me regardant timidement, comme s’il eut déjà pressenti en moi un ennemi de Foma. Quel homme !…

— Nous n’en voulons pas ; nous ne voulons personne que toi : gémirent en chœur les paysans. Vous êtes notre père et nous sommes vos enfants !

— Écoutez, mon oncle, répondis-je, je n’ai pas encore vu Foma, mais… voyez-vous… certains bruits me sont parvenus… Du reste, j’ai là-dessus mes idées personnelles. J’ai rencontré aujourd’hui M. Bakhtchéiev… En tout cas, renvoyez