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— Mais… où vas-tu donc, Foma ? s’écria mon oncle effrayé.

Tous les assistants tressaillirent et se précipitèrent vers Foma.

— Mais, puis-je rester dans votre maison après la façon dont vous m’avez traité, colonel ? interrogea Foma avec la plus extraordinaire dignité.

On ne le laissa point parler. Les cris de tous couvrirent sa voix. On l’avait mis dans le fauteuil et on le suppliait ; et l’on pleurait ; je ne sais ce qu’on n’eût pas fait. Il n’est pas douteux qu’il ne songeait nullement à quitter cette maison, pas plus qu’il n’y avait songé la veille, ni quand il bêchait le potager. Il savait que, désormais, on le retiendrait dévotement, qu’on s’accrocherait à lui, maintenant surtout qu’il avait fait le bonheur général, que son culte était restauré, que chacun était prêt à le porter sur son dos et s’en fût trouvé fort honoré. Peut-être un assez piteux retour ne laissait-il pas de blesser son orgueil et exigeait-il quelques exploits héroïques. Mais, avant tout, l’occasion de poser était exceptionnelle, l’occasion de dire de si belles choses et de s’étendre, et de faire son propre éloge ! Comment résister à pareille tentation ?

Aussi n’essaya-t-il pas d’y résister. Il s’arrachait