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que d’ingratitudes, de railleries, d’humiliations...

— Foma ! s’il en est ainsi, je comprends bien des choses ! s’écria mon oncle en proie à une extrême émotion.

— Du moment que vous comprenez si bien, colonel, daignez donc m’écouter sans m’interrompre. Je continue. Conséquemment, toute ma faute consistait en mon souci du bonheur et du sort à venir de cette enfant, car, auprès de vous, c’est une enfant. Mon extrême amour de l’humanité avait fait de moi un démon de colère et de vengeance. Je me sentais prêt à me jeter sur les hommes pour les tourmenter. Et savez-vous, Yégor Ilitch, comme par un fait exprès, chacun de vos actes ne faisait que me confirmer en mes soupçons. Savez-vous qu’hier, lorsque vous vouliez me combler de votre or pour acheter ma désertion, je me disais : « C’est sa conscience qu’il éloigne en ma personne, pour faciliter la perpétration de son crime ! »

— Foma ! Foma ! Ainsi, c’était là ce que tu pensais hier ? s’écria mon oncle terrifié. Mon Dieu ! et moi qui ne soupçonnais rien !

— Le ciel lui-même m’avait inspiré ces craintes, poursuivit Foma. Alors, dites vous-même ce que je pus penser quand l’aveugle hasard m’eut amené vers ce banc fatal ; dites ce que je pus penser à