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à la calèche de Bakhtchéiev, et tout était prêt pour le départ ; on n’attendait plus que moi.

— Le voilà ! cria mon oncle en m’apercevant. Eh bien ! mon ami, t’a-t-on dit ?… ajouta-t-il avec une singulière expression sur le visage. Il y avait dans sa voix, dans son regard et dans tous ses mouvements de l’effroi, du trouble, et aussi une lueur d’espoir. Il comprenait qu’un revirement important se produisait dans sa destinée.

Je pus enfin obtenir quelques détails. À la suite d’une très mauvaise nuit, M. Bakhtchéiev était sorti de chez lui dès l’aurore pour se rendre à la première messe du couvent situé à cinq verstes environ de sa propriété. Comme il quittait la grande route pour prendre le chemin de traverse conduisant au monastère, il vit soudain filer au triple galop un tarantass contenant Tatiana et Obnoskine. Tout effrayée, les yeux rougis de larmes, Tatiana Ivanovna aurait poussé un cri et tendu les bras vers Bakhtchéiev, comme pour le supplier de prendre sa défense. C’était du moins ce qu’il prétendait.

— Et lui, le lâche, avec sa barbiche, ajoutait-il, il ne bougeait pas plus qu’un cadavre : il se cachait ; mais compte là-dessus, mon bonhomme ; tu ne nous échapperas pas !