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Pauvre oncle ! Il dut répéter ce galimatias phrase par phrase, mot par mot ! Je rougissais comme un coupable ; la colère m’étouffait.

— Voyons, s’enquit le bourreau, ne sentez-vous pas maintenant dans votre cœur une sorte d’allégresse, comme si un ange y fut descendu ?… Répondez : sentez-vous la présence de l’ange ?

— Oui, Foma, je sens une sorte d’allégresse, répondit mon oncle.

— Maintenant que vous êtes vaincu, vous sentez votre cœur comme si on le baignait dans les saintes huiles ?

— Oui, Foma, on le dirait baigné dans l’huile.

— Dans l’huile ?… Hem ! Je ne vous ai pas parlé d’huile… Mais n’importe. Vous saurez désormais, colonel, ce que c’est que le devoir accompli ! Luttez contre vous-même ! Vous avez trop d’amour-propre. Votre orgueil est excessif.

— Oui, Foma, je le vois, soupirait mon oncle.

— Vous êtes un égoïste, un ténébreux égoïste…

— Oui, je suis un égoïste, Foma ; je le sais depuis que je te connais.

— Je vous parle en ce moment comme un père, comme une tendre mère… Vous découragez tout le monde et vous oubliez la douceur des caresses.